En sortant du cÅ“ur des Halles, on aperçoit la façade arrière d’une grande église. Ses imposants arc-boutants et le haut de ses vitraux en forme de cÅ“ur interrogent. Ils appartiennent à l‘église Saint-Eustache. Si sa nef est encore plus haute que celle de Notre-Dame, elle reste bien moins connue que celle qui inspira Victor Hugo. Son mélange entre différents styles architecturaux, ses grandes dimensions et son orgue le plus important de France la rendent exceptionnelle dans le panorama des églises parisiennes. Partons en excursion dans les vieilles pierres de l’église du quartier des Halles…
Au cœur des Halles
L’histoire de Saint-Eustache et celle des Halles sont étroitement liées. Le marché a débuté vers le 12ème siècle, une centaine d’années avant que les premières pierres de l’église soient posées. Depuis, l’édifice religieux accueille les confréries des métiers présents dans les Halles (terme anachronique puisque le marché n’est couvert que depuis la seconde moitié du 19ème). Certaines reliques de ce rapprochement existent encore, comme la « La Messe du Souvenir des charcutiers » qui a lieu chaque année en novembre.
D’Agnès à EustacheÂ
La première construction, qui date du 12ème, était une chapelle dédiée à Sainte-Agnès, une martyre qui a refusé de se donner au fils du préfet de Rome au nom de sa dévotion au Christ. Lorsque son prétendant a tenté de la forcer à avoir des rapports intimes, les cheveux de la jeune femme ont poussé d’un coup pour couvrir son corps et la rendre intouchable. Le nom de Saint-Eustache date de 1223, lorsque la chapelle est devenue une véritable paroisse, à la suite de don de reliques du Saint par l’Abbaye de Saint-Denis. Les symboles d’Eustache, un S et E enlacés, un cor de chasse et un cerf (Dieu ayant pris l’apparence de cet animal devant lui pendant une partie de chasse) figurent à plusieurs endroits de l’église.
Architecture hybride
Au fil des siècles, les églises n’ont cessé de profiter de rénovations pour rivaliser de grandeur et de beauté. Saint-Eustache ne fait pas exception, puisqu’il a fallu plus de quatre importantes périodes de travaux pour être telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ce qui définit le mieux son architecture ? Un mélange entre du gothique flamboyant et le style Renaissance. Cela n’a d’ailleurs pas toujours été au goût de tous. Viollet-le-Duc, “relookeur” des cathédrales du 19ème siècle à  qui l’on doit l’aspect actuel de Notre-Dame, la trouvait sans harmonie. En la visitant, on peut identifier ce mélange des genres. Le chÅ“ur et les piliers de la nef avec leurs têtes d’anges et leurs feuillages de pierre viennent d’une esthétique renaissance. Contrairement aux ogives (ces arêtes de pierre qui se croisent pour supporter le poids de la pierre), qui se rapportent plus au style gothique flamboyant.
Fréquentée des personnalités au fil des siècles
Saint-Eustache peut se targuer d’avoir accueilli entre ses murs de nombreuses figures importantes de l’Histoire de France. Et ce, pour des événements allant de la naissance à la tombe. Richelieu, Molière et madame de Pompadour, pour ne citer qu’eux, ont été baptisés avec l’eau de cette église. Sully (Ministre d’Henri IV) et Lully (compositeur préféré de Louis XIV) se sont mariés devant son autel. Le Roi-Soleil y a d’ailleurs fait sa première communion. La liste continue dans un registre plus funèbre puisque les obsèques de La Fontaine et de Mirabeau y ont été organisées. Plusieurs des premiers membres de l’Académie Française y ont également été enterrés.
Le tombeau de Colbert
Le contrôleur général des finances et secrétaire d’Etat de la Maison du roi Louis XIV est inhumé en 1683. Celui qui a dirigé une grande partie du royaume du Roi-Soleil repose près de la chapelle de la Vierge dans un sarcophage noir sur lequel se trouve une statue le représentant à genoux et les mains jointes. Un ange qui tenait un livre ouvert en face de lui était présent, mais a disparu lors de la Révolution.
Rupture d’un couple iconique
Au 17ème siècle, Simon Vouet peint deux toiles pour décorer le maître-autel de l’église : Le Martyre de Saint-Eustache et L’Apothéose de Saint-Eustache. La Révolution est venue briser ce duo ornemental puisqu’elles sont confisquées et séparées : la première est vendue au cardinal Fesch, la seconde envoyée au musée de Nantes. Elles ne sont toujours pas réunies, même si la peinture du Martyre est revenue orner le bas de la nef en 1855 (cadeau de la préfecture de la Seine à l’église).
Le plus grand orgue de France
Composé de 8 000 tuyaux, 5 claviers manuels de 61 notes chacun et d’un pédalier de 32 notes, il dépasse en grandeur ceux de Notre-Dame et de Saint-Sulpice. Cet orgue a également ramené dans les murs de l’église bon nombre de célébrités. Au 19ème, Hector Berlioz et Franz Liszt ont joué avec ses tuyaux. Restaurées dans les années 90, Elisabeth II est venue spécialement voir les grandes orgues après leur inauguration par Jacques Chirac (alors maire de Paris). Si l’envie vous prend de vous la jouer Reine d’Angleterre, mettez un chapeau pour aller assister aux auditions gratuites le dimanche après-midi.
Informations pratiques
Entrée libre
Ouvert du lundi au vendredi de 9h30 Ã 19h
Le samedi de 10h à 19h15
Le dimanche de 9h à 19h15
Les auditions d’orgue gratuites ont lieu le dimanche de 17h30 à 18h.